Oser l’inouï

par Laurianne Corneille · publié jeudi 22 novembre 2018 · ¶¶¶¶

L’Ensemble Appassionato, créé il y a maintenant trois ans par le chef d’orchestre Mathieu Herzog, ancien altiste du Quatuor Ébène, sort son premier enregistrement.

Écrites en deux mois, les trois dernières symphonies de Mozart sont un chef-d’oeuvre, une entité complexe dans laquelle les tonalités qui se succèdent interpellent par leur signification intrinsèque. La 39e est en mi bémol majeur, tonalité de l’amour, mais également tonalité de la solennité maçonnique. La 40e, en sol mineur semble découler de la fin du mouvement de la symphonie précédente et s’ouvre sur une appoggiature dans une tonalité diluée qui se dérobe sans cesse, comme reflétant le caractère changeant de l’âme humaine. Enfin, la 41e explore l’ut majeur, tonalité divine symboliquement parlant.

Par cet assemblage de tonalités et un rapport de chiffres — d’un tout, une unité, découlent 3 symphonies, divisées chacune en 4 — Mozart semble placer l'homme au centre du triptyque, et signifier sa responsabilité au monde et au spirituel. L’homme n’est plus, comme à l’époque de Bach, soumis au Divin. Ce qui fait de la musique de Mozart un humanisme, humanisme mis en exergue par Mathieu Herzog et son Ensemble Appassionato, qui proposent une lecture de ces symphonies riche de ce que la « révolution baroque » a insufflé à cette musique en termes d’énergie et de phrasé, de précision de l’articulation, pour la diriger vers l’instrument moderne. La gageure ? « Conduire » des instruments dont le poids n’est tout simplement pas le même ; trouver la fougue et la fraîcheur apportées par le renouveau de la musique ancienne aux instruments plus légers en utilisant le poids du moderne, demande une construction précise et un sens poussé de l’agogique.

Il fallait placer une clef de voûte pour faire « tenir » cet équilibre. Équilibre remarquable que l’on découvre ici à travers des tempos à la vivacité saisissante pour les mouvements rapides (écoutez le menuet galvanisant de la 40e), et une densité expressive dans les mouvements lents à l’expression ciselée (Andante de la 41e).

Pour arriver à ce résultat, le chef d’orchestre a pu compter sur une énergie et un investissement démultipliés par le fait d’avoir su s’entourer de musiciens chambristes de haut vol. Cette particularité d’Appassionato, cette cohésion active que recherchait Mathieu Herzog, sert le propos artistique : si Mozart redonnait symboliquement le libre-arbitre à l’homme à travers son œuvre, le chef ici n’oublie pas le centre, le cœur de l’orchestre à travers chaque musicien.

Il livre ici un enregistrement visionnaire, et Appassionato le bien-nommé prouve avec ce premier disque que le romantisme est fondamentalement une manière de vivre la musique et non simplement une période stylistique…

INFORMATIONS

Mozart : les trois dernières symphonies

Ensemble Appassionato
Mathieu Herzog, dir.

1 CD, naïve, 2018.

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